Ceux qui vivent, sont ceux qui luttent - Citation de Victor Hugo

Réfugiés, demandeurs d'asile, déplacements forcés de populations, la question du droit d'asile est constante dans l'Histoire : elle remonte à l'Antiquité et évolue au gré de l'influence des Églises, toujours présentes, de la forme des Empires et des États, et surtout des conflits.

 Le mot lui-même «asile» vient du grec "asulon" : cela qualifiait alors un sanctuaire, un lieu à caractère religieux, et inviolable.

Les prémices de l'asile :

XIIIe siècle avant JC : voici à peu près à quoi ressemblait l'environnement géopolitique de l'Egypte. Ce serait sans doute les Egyptiens qui auraient les premiers pratiqué l'accueil des réfugiés, donc imaginé la notion d'«asile». Le Traité de Kadesh, conclu en 1280 avant JC entre Ramsès II et Hattousil III le roi des Hittites, prévoit au terme des guerres engagées entre les deux camps la protection puis le rapatriement des réfugiés du camp adverse.
 
 

 

L’asile chez les Grecs

Les Grecs, vers le Ve siècle avant JC auraient ainsi développé le droit d’asile en relation directe avec leurs pratiques religieuses : le réfugié était placé sous la protection de leurs dieux, hors d’atteinte des vengeances, dans des lieux respectés par tous. Ainsi le temple de Poséidon, sur l'île de Paros, offrait un refuge aux personnes poursuivies par leurs ennemis. Et l’asile accordé était large : princes ou esclaves, délinquants ou assassins... D’ailleurs, dans le texte "Vies des Hommes illustres", Plutarque fait ainsi allusion à cette pratique.
 
 

Droit d'asile, droit des églises

Mais ce qui va permettre de passer de la pratique au principe - et à ce principe universel - ce sont les églises chrétiennes. Car elles s'affirment protectrices de tous. L'asile est reconnu comme principe dès le Concile réuni par Clovis à Orléans, en 511.
Cet asile essentiellement religieux ne s’exerce, sous le nom d’"immunité", que dans les lieux d’asile consacrés au divin. D’abord en nombre limité, leur nombre s’étend progressivement. Ceux qui s’en réclament sont généralement poursuivis pour des crimes ou délits de droit commun. Cependant l'asile n'est pas véritablement regardé comme un droit de nature divine et ne cessera de faire l'objet de limitations, à l'initiative des autorités temporelles ou religieuses. Au XIIIe siècle, les décrétales d'Innocent III et de Grégoire IX  excluent de l'asile de nombreuses catégories de personnes, parmi lesquelles les juifs et les hérétiques.

 

Vers un droit d'asile Laïc

Pourtant, cette tradition de protection, cette pratique religieuse de l'asile, est vue comme un obstacle à l'exercice d'un pouvoir absolu dès le développement d'une monarchie puissante : le Roi n’est plus disposé à partager cette prérogative avec l’Eglise, ni à supporter ce qu’il considère comme des entraves à sa justice.C'est d'ailleurs ce que confirme l'ordonnance dite de Villers-Cotterêts, édictée sous le roi François 1er en 1539. Cette ordonnance somme toute c'est la fondation de l'Etat civil français, et elle supprime purement et simplement l'application du droit d'asile par l'Eglise, dans le Royaume de France, ce droit devant revenir à l’Etat. C'est donc vers le XVIe siècle que le concept devient séculier : l’asile n’est plus lié à un lieu sacré, mais à un territoire, gouverné par un souverain. Et les conséquences directes des guerres de religion ne font évidemment que renforcer ce concept, cette fois laïc.
 
 

La révolution française, étape historique

Ensuite, la période de la Révolution française constitue évidemment une étape essentielle dans l'évolution du concept du droit d'asile.Car se pose alors en France la question de savoir ce que l’on doit faire de toutes ces populations, chassées par les guerres intra-européennes, qui fuient ce que l'on nomme «les tyrannies» et viennent chercher refuge en France. Doit-on les accueillir, comment les accueillir ? L'article 120 de la nouvelle Constitution française de 1793 affirme, je cite : «le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté». C’est bien dans ces principes et dans ces lignes que se situe l’idée d'une France terre d’asile, et patrie des Droits de l’Homme, première référence juridique du droit d’asile dans sa forme actuelle. On peut d'ailleurs rappeler que dès l’époque postrévolutionnaire, les étrangers accueillis par la France pouvaient se faire élire comme députés de la Nation, tel l'Anglais Thomas Paine partisan de l'indépendance des 13 colonies américaines, ou bien l'Italien Giuseppe Garibaldi, figure historique de l'unité italienne, et qui est élu dans plusieurs départements français au cours de son exil hors de l'Italie. Un tel rappel historique prend évidemment tout son sens, lorsqu'on se souvient que la France n'est toujours pas capable d'accorder ne serait-ce que le droit de vote aux étrangers vivant sur son sol depuis longtemps.
 
 

Le socle du droit d’asile : la Convention de Genève de 1951

Après les événements dramatiques de la Seconde Guerre mondiale qui entraînent le déplacement de plus de 40 millions de personnes, le sort des déplacés devient un véritable enjeu des relations internationales. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est créé en 1950. Il a pour mission de sauvegarder les droits et le bien-être des réfugiés. Le 28 juillet 1951 sont jetées les bases juridiques d’une protection internationale des réfugiés avec l’adoption de la Convention de Genève, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies. Ce texte fondateur définit la notion de réfugié et énonce les droits fondamentaux qui doivent lui être garantis. En pratique, la Convention de Genève est limitée aux réfugiés européens pour les événements survenus avant le 1er janvier 1951. Les conflits qui surgissent un peu partout dans le monde, conduisent les États à adopter en 1967 un nouveau texte international, le Protocole de New York. Il complète la Convention de Genève de 1951 et permet ainsi de protéger tous les réfugiés quels que soient leur pays d’origine et la date des événements qu’ils fuient. L’asile devient une question durable et n’est plus limité à certaines catégories de personnes fuyant certains événements. À ce jour, 148 États dont la France sont signataires de la Convention de Genève et/ou du Protocole de 1967. Ces textes internationaux laissent aux États le soin d’organiser leur système pour leur application au niveau national.

 

Le système national français

En France, le principe du droit d’asile est énoncé à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans le préambule de la Constitution française de 1946, partie intégrante de notre Constitution : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. » La France s’est dotée à partir de 1952 (loi du 23 juillet 1952) d’un système national chargé d’examiner les demandes d’asile. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est l’organe administratif chargé de cet examen et la Commission de recours des réfugiés (CRR), devenue depuis 2007 la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), juge des recours qui lui sont soumis lors d’un rejet de l'OFPRA.  

 

Source : Une histoire de droit d'asile - émission diffusée en mai 2009 sur Arte

 

Posez-nous vos questions!
Cliquer ici