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Le principe du règlement Dublin est qu’un seul Etat européen est responsable de la demande d’asile d’une personne ressortissante d’un Etat tiers.

Le but étant d’interdire à la fois qu’un demandeur sollicite l’asile dans différents pays européens et que ne lui donne pas le choix du pays qui examinera sa demande.

Ce règlement est applicable aux 28 Etats membres de l’Union européenne et aux quatre pays associés en vertu d’accords : La Suisse, le Lichtenstein, l’Islande et la Norvège. 

La procédure peut prendre jusqu’à 11 mois à compter de l’introduction de la demande d’asile. Des délais plus courts s’appliquent si le demandeur est placé en rétention. 

Chiffres clés :

Selon les statistiques du ministre de l’intérieur et d'Eurostat, en 2018, un peu plus de 45 358 personnes  – mineures comprises – ont été des Dublinées pour un total de 122 743 demandes enregistrées par les préfectures (30%). En 2016, leur nombre était d’environ 22 000 et en 2015 de 11 700. Le nombre de transfert s’élève à 2 633 en 2017 (9% des 29 713 accords).

L’Italie est de loin le premier pays saisi avec 15 428 saisines avec un changement notable puisque 71% sont des reprises en charge. L’Allemagne est le deuxième pays saisi avec 8694 saisines. A noter que près de 21% des saisines vers ce pays sont faites sur le fondement d’une demande d’asile rejetée.

3 533 transferts ont été effectués en 2018 (2 633 en 2017 contre 1 293 transferts en 2016 et 525 en 2015). Cela représente 12% des accords et 8% des saisines. 1 798 transferts ont été effectués après une rétention (soit un peu de la moitié).

Comme les années précédentes, l’Ile de France concentre la moitié des personnes selon cette procédure.

Le rapprochement des données entre les rapports d’activité de l’OFPRA et celui de l’OFII permet d’avoir une estimation des demandes requalifiées par préfecture. Environ 20 000 personnes adultes ont vu leur demande requalifier en procédure OFPRA soit 23% des demandes introduites à l’OFPRA. 

Le système Dublin repose sur 3 textes de l’Union Européenne :

  • Le règlement « Dublin » du 26 juin 2013 n°604/2013 fixe les règles pour déterminer quel Etat sera responsable de la demande d’asile.
  • Le règlement d’exécution modifié le 30 janvier 2014 n°118/2014 en fixe les modalités concrètes en vue d’une application opérationnelle et commune du règlement Dublin
  • Le règlement Eurodac du 26 juin 2013 n°603/2013 qui créé un système de comparaison des empreintes digitales destiné à aider les Etat à connaître l’Etat responsable de la demande d’asile 

Déroulement du placement en procédure Dublin à la préfecture 

Le Règlement Dublin III précise que le processus de détermination « commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un Etat membre » (article 20).

En France, la demande d’asile est réputée introduite lors son enregistrement au Guichet Unique. C’est lors de cette première convocation au Guichet Unique que la préfecture relève les empreintes digitales du demandeur pour la comparaison des empreintes dans le fichier Eurodac. Elle consulte également le fichier VIS.

Le demandeur a également l’obligation de coopérer avec l’administration et notamment d’indiquer son parcours avant son entrée en France et de présenter tous les documents d’identité et de voyage en sa possession afin d’aider à la détermination de l’Etat responsable (alinéa 3 de l’article L. 741-1).

En cas de résultat positif ou sur la base de documents du demandeur, la procédure « Dublin » est engagée (L. 741-1) et une attestation de demande d’asile « procédure Dublin » est délivrée.

Le même jour, l’agent préfectoral doit remettre les informations écrites au demandeur et procéder à un entretien :

Droit d’information (article 4 du Règlement): La préfecture a l’obligation de délivrer des informations écrites et ce « dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20 paragraphe 2 », c’est-à-dire dès l’enregistrement de la demande à la préfecture.

L’ensemble de ces informations précisées à l’article 4 sont regroupées dans 2 brochures Dublin annexées au règlement d’exécution n°118/2014. Elles contiennent également des informations relatives au fichier Eurodac que les autorités doivent communiquer au demandeur. Ces brochures sont traduites dans plusieurs langues.

La préfecture doit remettre ces brochures d’information dans la langue que le demandeur comprend (article 4-2).

Le droit à l’information Dublin est une garantie essentielle pour le demandeur d’asile. De fait, si l’une des brochures n’est pas remise (CAA Lyon, 26 mai 2015, n°14LY04080) ou si les brochures ne sont pas remises dans la langue du demandeur (TA Clermont, 2 juin 2016, n°1600872) ou si ces informations ne sont remises que tardivement (TA Lyon, 20 mai 2015, n° 1504482), la décision de transfert est susceptible d’être annulée par le juge administratif.

Droit à entretien individuel : Un entretien est mené dont l’objet est de permettre au demandeur de fournir des informations sur la présence de membre de sa famille dans l’Union européenne, de faciliter le processus de détermination et de permettre de veiller à la bonne compréhension des informations écrites remises par la préfecture (dernier alinéa de l’article 4-2).

Aucune disposition française ne réglemente l’entretien. Si la circulaire prévoit qu’il est effectué au guichet unique lors de l’enregistrement de la demande, le règlement précise qu’il doit avoir lieu en temps utile et avant la notification d’une décision de transfert (article 5-3) dans des conditions garantissant la confidentialité (article 5-5) et dans une langue que le demandeur comprend, au besoin avec l’assistance d’un interprète (article 5-4).

Un résumé de l’entretien doit être établi. Le demandeur doit avoir accès au résumé (5-6). En pratique, la préfecture remet une copie de la page d’entretien ou du formulaire entier.

L’entretien individuel est une garantie pour le demandeur d’asile. Si la préfecture n’a pas effectué d’entretien ou si celui-ci a été fait sans interprète (CAA Nantes, 30 juin 2015, n° 14NT00780), la décision de transfert est susceptible d’être annulée par le juge administratif.

  1. la détermination de l’Etat responsable

L’Etat, au sein duquel une personne sollicite l’asile pour la première fois sur le territoire européen, détermine l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile en fonction de critères liés à la situation du demandeur. L’Etat doit examiner ces critères par ordre hiérarchique en considérant d’abord ceux relatifs aux liens familiaux puis ceux aux liens légaux avec un Etat membre et enfin ceux liés au lieu d’entrée du demandeur dans l’Union Européenne.

Si la situation du demandeur au regard d’un critère fait apparaître la responsabilité d’un autre Etat européen, ce dernier sera saisi par les autorités devant lesquelles le demandeur a sollicité l’asile pour prendre en charge l’examen de sa demande. On parle alors de prise en charge (Art.21 à 23).

Si l’Etat considéré comme responsable accepte cette responsabilité, le demandeur y sera transféré pour y demander l’asile.

Dans l’hypothèse où la procédure de détermination n’aboutit pas ou si les autorités n’engagent pas cette procédure, l’Etat saisi pour la première fois en Europe examine la demande et devient, dès lors, l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile. Si le demandeur quitte cet Etat et sollicite l’asile dans un autre Etat, les critères énoncés aux articles 8 à 14 ne s’appliquent pas. Le seul critère étant le lieu d’introduction de la demande, l’Etat où la demande d’asile a été déposée la 1ère fois sera responsable. Il s’agit de la reprise en charge (Art. 24).

Aussi, la prise en charge au regard des critères de détermination s’applique uniquement pour les personnes qui n’ont pas déposé de demande d’asile sur le territoire européen. Dans ce cas, l’Etat responsable doit prendre en charge l’examen de la demande d’asile et la mener à son terme.

Si le demandeur a déjà introduit une demande d’asile dans un autre Etat européen, ce dernier sera toujours l’Etat responsable et devra le reprendre en charge. Dans ce cas, l’Etat responsable devra poursuivre l’examen de la demande d’asile si celle-ci est encore en cours d’examen ou la reprendre si la demande avait été retiré (ex : abandon du demandeur). Si la demande d’asile a été rejetée, l’État est responsable mais n’a pas d’obligation d’examiner la nouvelle demande d’asile.

Dans certains cas précisés par le Règlement Dublin, la responsabilité de l’Etat peut cesser (articles 19 et cas de cessation aux articles 8 à 14) ou y être dérogée (articles 3.2 ; 16  et 17) conduisant généralement les autorités qui ont engagé la procédure Dublin à se reconnaître responsables de l’examen de la demande d’asile.

La clause humanitaire s’applique dans le cadre de la prise en charge et non dans une reprise en charge où elle ne peut donc être invoquée pour déroger à la responsabilité de l’Etat saisi. 

 

2. les critères pour déterminer l’Etat responsable 

Cas concerné

Critère de responsabilité

Cessation de responsabilité

 Mineur isolé

(Article 8)

L’Etat où réside régulièrement  le père, la mère ou autre responsable légal), frère ou sœur pour autant que ce soit dans l’intérêt supérieur  du mineur

Si pas de membre de famille résidant régulièrement dans un Etat européen, le dernier Etat où le mineur a introduit sa demande est responsable

Membre de famille d’un bénéficiaire de protection internationale

(Article 9)

L’Etat où réside régulièrement le conjoint et/ou les enfants mineurs en qualité de bénéficiaire d’une protection internationale[1] et avec leur accord par écrit

 

Membre de famille d’un demandeur d’asile

(Article 10)

L’Etat où séjourne le conjoint et/ou les enfants mineurs en qualité de demandeurs d’asile qui n’ont pas encore fait l’objet d’une 1ère décision sur le fond (ex ; OFPRA) et avec leur accord par écrit

 

Plusieurs membres de famille déposent simultanément une demande d’asile dans un Etat membre mais critères conduiraient à plusieurs Etats responsables différents et à les séparer

(Article 11)

L’Etat responsable de la prise en charge du plus grand nombre de ces membres de famille

Si égalité de nombre, l’Etat responsable du plus âgé des membres de famille

 

Délivrance de titre de séjour

(Article 12-1)

L’Etat ayant délivré un titre de séjour en cours de validité même en cas de fraude (12-5)

Si le titre de séjour est expiré depuis plus de deux ans (12-4) ou en si Etat responsable établit une fraude intervenue après délivrance du titre (12-5)

 Délivrance de visa

(Article 12-2)

L’Etat ayant délivré un visa en cours de validité (si délivrance au nom d’un autre Etat, ce dernier est responsable) même en cas de fraude (12-5)

Si visa est expiré depuis plus de 6 mois (12-4) ou en si Etat responsable établit une fraude intervenue après délivrance du titre

En cas de délivrance de plusieurs titres de séjour ou visas

(Article 12-3)

L’Etat ayant délivré le titre de séjour ou le visa de validité la plus longue

Si égalité, le document dont la date d’échéance est la plus lointaine

Si le titre de séjour est expiré depuis plus de deux ans (12-4) ou en cas de fraude (12-5)

Si visa est expiré depuis plus de 6 mois (12-4) ou en cas de fraude (12-5)

 

 Franchissement irrégulier d’une frontière extérieure

(Article 13-1)

L’Etat par lequel le demandeur a franchi irrégulièrement (par voie terrestre, maritime ou aérienne) sa frontière en venant d’un Etat tiers

Si la date du franchissement irrégulier a plus de 12 mois

Séjour irrégulier

(Article 13-2) 

L’Etat dans lequel le demandeur a séjourné irrégulièrement pendant une période continue d’au moins 5 mois, lorsque les conditions d’entrée sur le territoire des Etats membres ne peuvent être établies

En cas de plusieurs séjours continus d’au moins 5 mois, l’Etat sur lequel a séjourné en dernier le demandeur

 

Entrée sous exemption de visa

(Article 14)

L’Etat par lequel est entré légalement un demandeur exempté de visa

Si la demande d’asile est faite dans un autre Etat où le demandeur est également exempté de visa, c’est ce dernier Etat responsable

Demande d’asile à la frontière

(Article 15)

L’Etat sur la zone de transit international d’un aéroport duquel le demandeur présente sa demande

 

 


[1] Que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d’origine


 

3. les étapes de la procédure Dublin

  • La procédure de saisine de l’Etat considéré comme responsable et sa réponse

A compter de l’enregistrement de la demande d’asile, le préfet dispose d’un délai pour saisir les autorités de l’État qu’il estime responsable. Si ce délai n’est pas respecté, les autorités françaises deviennent responsables de la demande d’asile (articles 21.1 ; 23.3 et 24.3 du Règlement).

Qu’il s’agisse d’une demande de pris en charge ou d’une demande de reprise en charge, les délais de saisine sont de :

  •       2 mois en cas de résultat positif Eurodac (« hit »)
  •       3 mois sur la base d’autres informations qu’Eurodac

La réponse de l’Etat considéré comme responsable doit intervenir dans le délai :

  •      1 mois dans le cadre d’une prise en charge
  •      15 jours en cas de « hit » ou 1 mois sur la base d’autres informations dans le cadre d’une reprise en charge

Si l'Etat requis ne répond pas, son silence vaut acceptation implicite qui intervient à la date d'expiration du délai de réponse.

Si la durée de saisine et de réponse ne doit pas dépassée les délais, la procédure d’échange entre les autorités françaises et l’Etat européen estimé responsable est plus ou moins rapide selon les préfectures et les Etats européens saisis.  

Dans tous les cas, il est rare que le demandeur soit informé des étapes de la procédure par la préfecture (date de la saisine par les autorités françaises et de la date et du sens de la réponse de l’Etat requis). Ces informations ne sont généralement délivrées que dans la décision de transfert, le jour de sa notification.

Pendant la procédure de saisine, certaines préfectures délivrent, à date régulière, des convocations. D’autres invitent les demandeurs à se présenter à l’expiration de leur attestation de demande d’asile et délivrent une convocation après l’acceptation de l’Etat requis pour notifier la décision de transfert.

En cas de doute sur le respect des délais de saisine par une préfecture, il est toujours possible pour le demandeur de solliciter la consultation de son dossier en préfecture au titre des articles L. 311-1 et L. 311-3 du code des relations entre le public et l’administration.

  • La notification de la décision de transfert

En cas d’acceptation explicite ou implicite de l’Etat requis, le demandeur se voit notifier une décision de transfert auprès des autorités de l’Etat responsable. Il s’agit d’une décision d’éloignement prise par le préfet (article R. 742-1) qui peut être assortie d’une mesure de surveillance (assignation à résidence ou placement en centre de rétention).

La notification de la décision est entourée de garanties considérées comme une garantie essentielle par les juridictions administratives.

La décision doit être motivée en fait et en droit et contenir conformément à l’article 26 du Règlement :

-          Les informations sur les voies et délais de recours dans une langue que le demandeur comprend (dans le cas contraire, les délais ne sont pas opposables : CAA Lyon, 26/01/2016, n°15LY03058)

-          Les indications de délai relatives à la mise en œuvre du transfert (CAA Bordeaux, 12 mars 2009, N°08BX00063)

-          Si la préfecture indique que la personne doit se rendre auprès des autorités responsables par ses propres moyens, elle doit informer du lieu et de la date à laquelle elle doit se présenter auprès d’eux (CAA Nantes, 2 octobre 2009 N° 08NT02355)

 

En pratique, les préfectures notifient la décision de transfert par voie administrative (en personne au guichet de la préfecture). Elle peut également être notifiée par voie postale ; Dans ce cas, la décision de transfert ne pourra être assortie d’une mesure de surveillance.

Selon l’article 29-1, les modalités de transfert sont au choix de l’Etat membre :

-          Transfert à l’initiative du demandeur : dans ce cas, un laissez-passer est délivré au demandeur. Sa validité est souvent d’un mois. A l’expiration de ce délai, la préfecture informe qu’elle pourra exécuter « de force » la décision de transfert.

 

-          Transfert avec départ contrôlé : Le demandeur est accompagné par la police jusqu’à l’embarquement où un laissez-passer lui ait remis. Certaines préfectures remettent au demandeur (ou font remettre par la police) un routing (informations sur le lieu et l’heure du vol) en invitant à se présenter à la police aux frontières de l’aéroport qui l’accompagnera jusqu’à l’embarquement.   

 

-          Transfert sous escorte : Le demandeur est reconduit par la police durant le transport jusqu’à la remise aux autorités de l’Etat responsable sur son territoire. C’est le cas des demandeurs interpellés (en préfecture ou dans la rue à la suite d’un contrôle de police) et placés en centre de rétention administrative avant leur transfert.

 

  • Le délai de transfert

Les autorités françaises ont l’obligation de respecter un délai pour transférer le demandeur auprès des autorités responsables (article 29). Si ce délai n’est pas respecté, elles deviennent responsables de la demande d’asile.

En principe, ce délai est de 6 mois et part à compter de la date d’acceptation de l’État responsable ou, en cas de recours, à compter du jugement de rejet de la juridiction administrative.

Mais, ce délai de transfert peut être prolongé par la préfecture de :

-          De 6 mois (12 mois au total) en cas d’emprisonnement du demandeur

-          De 12 mois (18 mois au total) en cas de fuite du demandeur

 A l’expiration du délai de transfert, les autorités françaises deviennent responsables de l’examen de la demande d’asile (29-2) et doivent permettre au demandeur de voir sa demande d’asile examiner en France.

 

Attention ! En cas de recours contre la décision de transfert, le délai de transfert de 6 mois redémarre à compter de la date du jugement de rejet ou, en cas d’annulation et d’appel de la préfecture, à compter de la décision de la Cour Administrative d’Appel.

Dans l’hypothèse où la préfecture fait appel du jugement du tribunal annulant la décision de transfert, le demandeur est « bloqué » en procédure Dublin jusqu’à la décision de la Cour d’Administrative d’Appel. Il n’a, toutefois, pas de risque d’arrestation et doit continuer à percevoir ses droits aux conditions matérielles d’accueil.

 §  La situation de fuite

Le délai de transfert peut être prolongé pour 12 mois supplémentaires (soit 18 mois au total) si la personne a pris la fuite.

Cette notion de fuite n’est pas explicité par le règlement mais la jurisprudence du Conseil d’Etat en a donné une définition : la soustraction systématique et intentionnelle à la mesure de transfert ( CE, 18 octobre 2006, n°298101)

Dans cette décision d’octobre 2006, le Conseil d’Etat a jugé que l’absence à une convocation, si elle était un indice, ne permettait pas de considérer la personne en fuite. En revanche l’absence à trois convocations était un élément pour caractériser la fuite (CE, 17 juillet 2007, N°307401)

En 2010, une évolution est intervenue : si la convocation mentionne explicitement la volonté d’exécuter la mesure et que la personne ne s’y rend pas par deux fois ou s’y présente sans ses enfants la fuite est caractérisée (CE, 31 décembre 2009, N° 335107 et  CE, 19 novembre 2010, N°344372)

Cependant, l’absence à une convocation si le préfet sait où se trouve la personne qui s’est manifestée de nouveau auprès de lui ne peut être considérée comme fuite (cf. CE, 12 aout 2011, N° 351516).


 

Opportunité du recours :

Lors de la notification de la décision de transfert par la préfecture il est possible de saisir le tribunal administratif d’un recours suspensif. Deux cas de figure se présentent alors :

  • soit la décision est accompagnée d’un placement en rétention ou d’une assignation à résidence, dans ce cas le recours est à transmettre dans les 48h, et le tribunal statue dans les 96h, audience comprise ;
  • Soit la décision est notifiée sans assignation à résidence ou placement en rétention, dans ce cas le recours est à exercer dans les 15 jours et le tribunal dispose de 15 jours pour statuer, audience comprise (Article L.742-4 du CESEDA comprenant les changements découlant de la loi n°2018-778).

L’utilisation de ces recours est cependant une arme à double tranchant qui peut, soit raccourcir le temps d’accès à la procédure d’asile en cas d’annulation du transfert, soit le rallonger substantiellement en cas de rejet.

L’article 29§1 du règlement prévoit ainsi que le délai de 6 mois se calcule à partir de l’acceptation de l’Etat saisi ou à partir « de la décision définitive sur le recours lorsque l’effet suspensif est accordé ». Cela signifie que l’introduction d’un recours induit une prolongation du délai de transfert qui se calcule ensuite à partir de la décision du tribunal administratif et non plus de l’acceptation de l’Etat saisi.

NB : De plus, le Conseil d’Etat considère que l’appel du préfet contre un jugement du TA (annulant la décision de transfert) a pour effet de prolonger également le délai qui se compte alors à partir de la notification de l’arrêt de la cour (cf. CE, 4 mars 2015, 388180). Heureusement, les appels en cours administrative des préfectures ne sont pas fréquents

 

Afin de prendre une décision mûrement réfléchie sur l’opportunité de ce recours vous trouverez ci-après les paramètres à prendre en compte pour faire le bon choix.

§  Motifs humanitaires (article 16) :

Cette disposition prévoit de déroger aux critères en cas de lien de dépendance entre un membre de famille résidant légalement dans un Etat membre et le demandeur en raison d’une situation de vulnérabilité (grossesse, enfant nouveau-né, maladie grave, handicap grave ou vieillesse).

Le membre de famille peut être l’enfant, le frère, la sœur, la mère ou le père. Les liens familiaux doivent avoir existé dans le pays d’origine.

La personne dépendante peut être le demandeur ou le membre de famille mais la personne qui assure la prise en charge doit prendre soin de l’autre de manière effective.

L’Etat responsable est celui dans lequel se trouve le membre de famille du demandeur.

La qualité de membre de famille « à charge » est caractérisée par la circonstance d’un soutien juridique, financier, émotionnel ou matériel (CJUE, 19/10/2004, C-200/02 ; CJCE, 9/01/2007, C-1/05 ; CJUE, 5/09/2012, C-83/11 ; CJUE, 6/12/2012, C-356/11).La clause humanitaire, si les conditions sont réunies, doit être mise en œuvre par l’Etat membre pour maintenir l’unité de famille (CJUE, 6/11/2012, C-245/11).

La clause discrétionnaire (article 17)

Cette disposition prévoit la faculté pour un Etat d'examiner la demande d'asile, quand bien même la responsabilité relèverait d'un autre en application du règlement. Cette faculté est inscrite dans la Constitution (deuxième alinéa de l'article 53-1) et dans le code (dernier alinéa de l'article L.742-1).

Cette disposition est invocable par le demandeur (CE, 3 juin 2005, n°281001 et CAA Bordeaux, 12 mars 2009, n°08BX00063).

Cette disposition prévoit aussi (17.2) la possibilité de déroger aux critères de responsabilité pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’elle était applicable si une personne pouvait obtenir un titre de séjour de plein droit (CE, référés, 6 novembre 2012, n° 363511) ou si la fille d’un demandeur bénéficiait d’une prise en charge médicale dans un hôpital et que son état ne lui permettait pas de voyager sans risque (TA Paris, 9/10/2010, n°1017635/9).

§  Les défaillances systémiques d’un Etat européen (article  3-2)

Cette disposition inscrite suite aux dysfonctionnements de la Grèce prévoit de déroger à la responsabilité d’un Etat membre qui connaît des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile entraînant un risque de mauvais traitement.

Dans ce cas, les autorités doivent poursuivre la détermination d’un Etat responsable. Si  un autre Etat membre ne peut être désigné comme responsable,  les autorités ayant engagé la procédure « Dublin » deviennent responsables.

Aujourd’hui, seule la Grèce est reconnue comme un Etat défaillant. La Hongrie n’est pas présumée être défaillante par les autorités françaises ou européennes mais les mauvais traitements subis par le demandeur d’asile peuvent conduire le juge administratif à annuler la décision de transfert sur la base de ses déclarations détaillées (CE, 26/12/2013, n°374139 ; CE, 29/08/2013, n°371572).

La CAA de Bordeaux a jugé que le risque de mauvais traitement contraire à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux existe sur la base des informations relatives à la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la Hongrie et les constatations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CAA, 27/09/2016, n° 16BX00997).

D’une manière générale, le juge considère qu’un État européen est présumé respecter ses obligations à l’égard des demandeurs d’asile. Toutefois, le demandeur peut renverser cette présomption par des allégations précises et circonstanciées de mauvais traitement subis (CE, 26/12/2013, n°374139).

Quelle est le niveau de coercition de la préfecture ?

En fonction de la pratique de la préfecture, le recours peut également être une arme de défense contre un renvoi plus ou moins inéluctable. Dans ce cas, il peut être tenté même si la jurisprudence est un peu incertaine et / ou les arguments juridiques individuels un peu fragiles. Par exemple, il peut être tentant de faire un recours contre une réadmission vers la Hongrie pour un demandeur d’asile assigné à résidence par la préfecture de l’Essonne, d’autant plus que l’on sait que le TA de Versailles a déjà annulé plusieurs transferts pour ce motif.

 
 

 

Quelles règles spéciales pour les demandeurs mineurs ?

Mineur isolé : Si le mineur non accompagné a un parent, frère, une sœur ou un proche (oncle, tante, grands-parents) résidant légalement dans un Etat membre, il doit voir sa demande examinée dans cet Etat sauf si cela contraire à son intérêt supérieur.

Lorsqu’un mineur non accompagné dont aucun membre de la famille ne se trouve légalement sur le territoire de l’Union européenne, a déposé des demandes d’asile dans plus d’un État membre, l’État membre responsable sera le dernier Etat dans lequel le mineur a introduit sa demande (CJUE, 6 juin 2013, C-648/11). En d’autres termes, les autorités françaises sont automatiquement responsables de la demande d’asile d’un mineur isolé si celui-ci n’a pas de proche résidant légalement dans un autre Etat européen ou si ce n’est pas dans son intérêt de rejoindre ce proche.

Mineur accompagné : la situation du mineur accompagné par son père, sa mère ou son responsable légal est indissociable de la situation de son parent faisant l’objet d’une procédure « Dublin ». L’enfant mineur- même s’il n’est pas nommément visé dans la procédure Dublin et même s’il n’est pas demandeur d’asile à titre individuel- relèvera de l’État responsable de la demande de son parent. La procédure Dublin s’appliquera aussi à l’enfant d’un demandeur, né après l’engagement de la procédure Dublin (article 20§3).

 

Situation du parent qui introduit une demande d'asile uniquement au nom de son enfant mineur :

La procédure "Dublin" ne devrait pas être applicable puisque le parent n'est pas, lui-même, demandeur d'asile. Dans le cas contraire, il faudra faire valoir l'intérêt supérieur de l'enfant à ne pas être transféré dans un autre Etat européen notamment en raison de sa naissance ou son ancrage sur le territoire français.

 

 

 Source : Cimade

 

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