Le Décret n° 2019-141 du 27 février 2019 pris pour l’application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et portant diverses dispositions relatives au séjour et à l’intégration des étrangers entre en vigueur au 1er mars 2019. Il a été complété par l’Instruction du 28 février 2019 relative à l’application de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 dite loi Collomb.
Le décret fixe les délais dans lesquels les demandeurs d’asile doivent déposer les demandes d’admission au séjour à d’autres titres. Il actualise certains articles relatifs aux montants des taxes qui doivent être acquittées pour la délivrance ou le renouvellement des titres de séjour. Il actualise également des références relatives au niveau de diplôme requis pour l’obtention de la carte de séjour temporaire portant la mention « recherche d’emploi ou création d’entreprise » mentionnée à l’article L. 313-8 du même code ainsi qu’une référence relative au seuil de rémunération qui doit être atteint pour bénéficier d’une autorisation de travail sans opposabilité de la situation de l’emploi à l’issue de cette même carte de séjour temporaire. Il fixe enfin les conditions de délivrance des documents de circulation pour les étrangers mineurs.
1. Sur la double demande
Le délai pendant lequel le demandeur d’asile devra déposer la demande est fixé à 2 mois et 3 mois pour un titre d’étranger malade à partir de l’enregistrement au GUDA. ( Article D311-3-2 CESEDA)
Ces délais ne sont pas applicables aux demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin (L311-6 CESEDA).
Instruction des dossiers par la préfecture après rejet OFPRA ou CNDA pour délivrer une OQTF asile/séjour unique et globale visant les deux types de procédures. Priorité d’instruction sera donnée par les préfectures aux demandeurs d’asile en procédure accélérée qui se verront notifiés d’une OQTF dès le rejet OFPRA.
L’instruction développe les possibilités d’introduire une demande hors délai qu’en cas de circonstances nouvelles . Pas d’éléments particuliers sur cette interprétation, laissée aux mains des préfectures.
Concernant les étrangers malades, cette circonstance est entendue comme « la survenance d’une pathologie » par exemple. Dans ce cas, le préfet ne pourra pas exiger de documents qui mentionneraient des informations relevant du secret médical mais invitera le demandeur « à justifier des circonstances nouvelles par tout autre moyen ». Cette dernière précision sera bien évidemment difficile à obtenir, sachant que cette interprétation ne sera même pas appréciée par un médecin mais par un agent préfectoral.
Autre difficulté : pour la demande « étrangers malades », il sera nécessaire de justifier d’une « résidence habituelle » à la date de la décision (et non pas à la date de la demande) pour non seulement bénéficier du titre ou de la protection contre l’éloignement, restreignant considérablement les situations ou les personnes pourront se prévaloir de cette possibilité de régularisation ou de la protection au titre de l’éloignement, notamment pour les procédures accélérées.
Le décret du 27 février 2019 restreint également la durée pendant lequel, en dehors de la procédure de double demande, l’étranger qui sollicite un droit au séjour pour étranger malade dispose d’un délai d’un mois après enregistrement de sa demande en préfecture pour envoyer le certificat médical à l’OFII.
Ces délais très contraints seront préjudiciables aux étrangers qui n’auront pas été suffisamment informés de leur droits au GUDA (remise d’une information écrite dans une langue que la personne est susceptible de comprendre ) et qui devront, dans ces délais contraints, non seulement connaitre de la procédure mais également obtenir un suivi régulier, qui peut parfois être long à obtenir auprès des professionnels de santé sur certains territoires ainsi que la remise de ce certificat médical.
Merci de nous remonter toutes les difficultés que vous pourriez voir sur vos territoires pour que nous puissions alerter sur la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.
2. Sur la régularisation concernant les femmes victimes de violences et traite des êtres humains
L’instruction rappelle les dispositions de la loi sur l’évolution des mesures, notamment sur l’accès à une carte de résident longue durée CE au bout de 5 ans de présence régulière et si les conditions de ressources sont remplies.
Sur les circonstances nouvelles justifiant un dépôt de titre de séjour pour victime de TEH de façon concomitante à la demande d’asile, la circulaire précise qu’un dépôt de plainte pourra être considéré comme ces circonstances nouvelles, ce qui reste problématique dans la mesure ou les associations spécialisées nous remontent de réelles difficulté de l’accès à cette procédure et au dépôt de plainte.
L’emprise dont elles sont victimes est difficilement compatible avec cette procédure contrainte. Ceci pourrait amener des personnes à choisir entre les deux procédures et in fine à renoncer à déposer une demande de protection internationale au profit d’une régularisation beaucoup plus précaire au niveau du titre de séjour.
3. Sur la régularisation concernant les parents d’enfants français,
La loi exige désormais que la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant pour bénéficier de la régulation au titre de parent d’enfant français soit étendu au parent français pour la régularisation de l’autre parent.
Ceci va notamment poser problème sur les parents séparés , dont le parent étranger n’a plus de lien avec l’autre parent. L’instruction précise ces situations et exige pour cela une décision de justice relative à l’entretien et à l’éducation de l’enfant par l’auteur de la reconnaissance. Cette exigence est particulièrement attentatoire à l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’absence de preuve de l’autre parent, ce sont les préfectures qui devront apprécier au cas par car , en fonction de « l’ancienneté de la présence en France , de sa bonne foi, de la situation au regard de la scolarité de l’enfant, des conditions de séjours, des liens tissés en France ET des attaches dans le pays d’origine ». Ceci est un grave recul pour les droits de l’enfant sur lequel le défenseur des droits s’est d’ailleurs déjà prononcé. N’hésitez pas à saisir le défenseur des droits sur des situations individuelles que vous rencontreriez.
4. Sur les membres de familles de bénéficiaires d’une protection internationale ou apatride.
L’instruction reprend les dispositions de la loi du 10 septembre pour les demandes réalisées après le 1er mars. Des dispositions sont prévues pour les membres de familles qui disposaient d’un titre avant le 1er mars, notamment l’accès à la carte pluriannuelle et la carte de résident. Il n’est pas fait référence à l’absence de document d’état civils pour les membres de familles, ce qui continuera toujours à poser problème pour beaucoup de parents d’enfants de réfugiés sans documents d’identité.
5. Sur l’accès au titre de séjour pour les compagnons des communautés Emmaüs
La loi prévoit une nouvelle possibilité de régularisation exceptionnelle pour les membres des communautés Emmaüs et des unions interrégionales des lieux à vivre.
Certaines conditions doivent être remplies, notamment « justifier de de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ».
SOURCE : Fédération des acteurs de la solidarité et Info droits Etrangers