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Mariage forcé : comprendre la victime

 

Avant le mariage forcé

L’une des difficultés majeures que vivent les victimes d’un projet de mariage forcé est l’isolement. En effet, elles se sentent souvent seules face à leur problème, convaincues qu’elles ne peuvent faire confiance à quelqu’une sans risquer de voir leur famille mise au courant de leurs confidences. Ce sentiment d’isolement peut être amplifié quand la victime ne parle aucune des langues nationales. Peu avant leur majorité, les jeunes filles sont fréquemment retirées de l’école ce qui a pour conséquence de restreindre leur éducation, leur épanouissement personnel et une certaine forme d’indépendance et d’esprit critique. Une partie des jeunes filles menacées d’un mariage forcé se sent incapable de s’opposer aux volontés des parents ou des membres de leur famille. Cela est d’autant plus vrai quand la victime a des besoins spécifiques liés à une maladie ou un handicap et dépend des soins donnés par sa famille.

Même quand elles savent au fond d’elles-mêmes qu’elles ne souhaitent pas se marier, les victimes sont ambivalentes car elles ressentent comme chacun-e des sentiments d’amour et de loyauté vis-à-vis de leurs proches et craignent par-dessus tout de perdre leur famille, leurs ami-e-s et/ou d’être exclues de la communauté.

Même quand elles sont décidées à ne pas accepter le mariage, les victimes craignent de faire valoir leur choix par peur des représailles de la part de leur famille ou de leur communauté.

La perspective d’un « après » où elles seront démunies, seules et sans ressources constitue un frein pour les victimes même quand celles-ci s’opposent farouchement au mariage forcé.

 

Après le mariage forcé

La victime d’un mariage forcé subira des viols répétés tout au long de son mariage et ce, avec de lourdes conséquences pour sa santé physique, sexuelle et mentale (problèmes gynécologiques, troubles alimentaires, sentiment de saleté et de honte, baisse de l’estime de soi, dégoût de soi, dépression, troubles obsessionnels compulsifs, automutilations, idées suicidaires,…).

Une ou des grossesses non désirées peuvent découler de ces viols, ce qui peut être hautement traumatisant pour les victimes.

Les victimes de mariage forcé subissent fréquemment des violences entre partenaires, aussi bien sexuelles, physiques que psychologiques. Dans certains cas, il arrive même qu’elles soient exploitées par la belle-famille et forcées à accomplir les tâches ménagères pour toute la famille.

Certaines victimes voient leurs faits et gestes surveillés par la famille et la communauté et ne peuvent quitter la maison que si elles sont accompagnées d’un membre de leur famille.

Dans certaines familles, il est d’usage de renvoyer les victimes dans le pays d’origine de la famille pour des périodes plus ou moins longues afin de les isoler, les empêcher de trouver de l’aide et les inciter à accepter ce mariage comme la seule option viable.

Souvent, parce qu’elles n’ont pas pu faire d’études, les victimes se retrouvent sans emploi et donc entièrement dépendantes de leur famille sur le plan financier. Quand la famille leur permet de travailler, leur choix de carrière reste très limité et leur activité professionnelle est surveillée de près. Il n’est pas rare que de la violence économique se rajoute au tableau, les revenus de la victime étant annexés par son partenaire ou par la famille.

Une fois mariées, les victimes aussi bien féminines que masculines pensent que la fuite est la seule issue possible, une perspective très angoissante pour elles et particulièrement ceux et celles qui ne possèdent pas ou peu d’expérience de la vie en dehors du cercle familial. S’ils sont parents, cette fuite signifie également à leurs yeux la perte de leur(s) enfant(s). Pour les personnes dont le titre de séjour est lié à un regroupement familial, la fuite est encore plus angoissante puisqu’elle les fera basculer dans l’illégalité et dans une extrême précarité.

Lorsqu’elles décident néanmoins de quitter le domicile conjugal, le manque de soutien social peut isoler davantage les victimes spécifiquement les femmes et les amener à regagner leur foyer avec ce que cela va comporter de conséquences. En effet, quitter sa famille (voire dénoncer les faits auprès d’une association ou, pire, porter plainte à la police) sera vécu par le groupe comme une véritable atteinte à « l’honneur » de la famille qui conduira à une forme plus ou moins marquée d’ostracisme social et/ou de violences.

Les victimes qui sont parties, et ce, sans retour, vivent dans la peur de leur famille, cette dernière aidée de la communauté déploiera des moyens souvent impressionnants pour retrouver la victime et la faire revenir. Il arrive même que la famille signale la disparition à la police ou essaie de mobiliser les intervenant-e-s scolaires, sociaux-ales ou médicaux-ales. Si la famille parvient à retrouver la victime, cette dernière peut être en réel danger : selon les familles, les violences infligées augmenteront d’un ou plusieurs crans avec le risque d’un crime dit « d’honneur » dans les cas les plus extrêmes.

Certaines études montrent que les comportements à risque, automutilations et suicides sont significativement plus élevés dans les populations de femmes soumises à un manque de contrôle sur leur vie, à une surveillance excessive, au poids des attentes liées aux rôles traditionnellement attribués aux femmes et à une forte anxiété relative à leur situation maritale.

Notons, enfin, que les enfants nés de cette union forcée en subissent aussi les conséquences. Comme tous les enfants exposés à la violence, ils risquent d’apprendre que celle-ci est un moyen acceptable d’obtenir ce que l’on veut et qu’il est « naturel » d’y recourir lorsque l’on est fâché. De plus, vivre dans un climat violent et stressant risque de les traumatiser, leurs besoins dont celui de sécurité n’étant pas satisfaits. On constate que ces enfants peuvent accuser des retards importants dans leurs apprentissages (y compris scolaires) et présenter à l’âge adulte des signes de dépression, des symptômes du stress post-traumatique et un niveau très bas d’estime de soi.

 

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