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Opportunité du recours :

Lors de la notification de la décision de transfert par la préfecture il est possible de saisir le tribunal administratif d’un recours suspensif. Deux cas de figure se présentent alors :

  • soit la décision est accompagnée d’un placement en rétention ou d’une assignation à résidence, dans ce cas le recours est à transmettre dans les 48h, et le tribunal statue dans les 96h, audience comprise ;
  • Soit la décision est notifiée sans assignation à résidence ou placement en rétention, dans ce cas le recours est à exercer dans les 15 jours et le tribunal dispose de 15 jours pour statuer, audience comprise (Article L.742-4 du CESEDA comprenant les changements découlant de la loi n°2018-778).

L’utilisation de ces recours est cependant une arme à double tranchant qui peut, soit raccourcir le temps d’accès à la procédure d’asile en cas d’annulation du transfert, soit le rallonger substantiellement en cas de rejet.

L’article 29§1 du règlement prévoit ainsi que le délai de 6 mois se calcule à partir de l’acceptation de l’Etat saisi ou à partir « de la décision définitive sur le recours lorsque l’effet suspensif est accordé ». Cela signifie que l’introduction d’un recours induit une prolongation du délai de transfert qui se calcule ensuite à partir de la décision du tribunal administratif et non plus de l’acceptation de l’Etat saisi.

NB : De plus, le Conseil d’Etat considère que l’appel du préfet contre un jugement du TA (annulant la décision de transfert) a pour effet de prolonger également le délai qui se compte alors à partir de la notification de l’arrêt de la cour (cf. CE, 4 mars 2015, 388180). Heureusement, les appels en cours administrative des préfectures ne sont pas fréquents

 

Afin de prendre une décision mûrement réfléchie sur l’opportunité de ce recours vous trouverez ci-après les paramètres à prendre en compte pour faire le bon choix.

§  Motifs humanitaires (article 16) :

Cette disposition prévoit de déroger aux critères en cas de lien de dépendance entre un membre de famille résidant légalement dans un Etat membre et le demandeur en raison d’une situation de vulnérabilité (grossesse, enfant nouveau-né, maladie grave, handicap grave ou vieillesse).

Le membre de famille peut être l’enfant, le frère, la sœur, la mère ou le père. Les liens familiaux doivent avoir existé dans le pays d’origine.

La personne dépendante peut être le demandeur ou le membre de famille mais la personne qui assure la prise en charge doit prendre soin de l’autre de manière effective.

L’Etat responsable est celui dans lequel se trouve le membre de famille du demandeur.

La qualité de membre de famille « à charge » est caractérisée par la circonstance d’un soutien juridique, financier, émotionnel ou matériel (CJUE, 19/10/2004, C-200/02 ; CJCE, 9/01/2007, C-1/05 ; CJUE, 5/09/2012, C-83/11 ; CJUE, 6/12/2012, C-356/11).La clause humanitaire, si les conditions sont réunies, doit être mise en œuvre par l’Etat membre pour maintenir l’unité de famille (CJUE, 6/11/2012, C-245/11).

La clause discrétionnaire (article 17)

Cette disposition prévoit la faculté pour un Etat d'examiner la demande d'asile, quand bien même la responsabilité relèverait d'un autre en application du règlement. Cette faculté est inscrite dans la Constitution (deuxième alinéa de l'article 53-1) et dans le code (dernier alinéa de l'article L.742-1).

Cette disposition est invocable par le demandeur (CE, 3 juin 2005, n°281001 et CAA Bordeaux, 12 mars 2009, n°08BX00063).

Cette disposition prévoit aussi (17.2) la possibilité de déroger aux critères de responsabilité pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels.

Le Conseil d’Etat a considéré qu’elle était applicable si une personne pouvait obtenir un titre de séjour de plein droit (CE, référés, 6 novembre 2012, n° 363511) ou si la fille d’un demandeur bénéficiait d’une prise en charge médicale dans un hôpital et que son état ne lui permettait pas de voyager sans risque (TA Paris, 9/10/2010, n°1017635/9).

§  Les défaillances systémiques d’un Etat européen (article  3-2)

Cette disposition inscrite suite aux dysfonctionnements de la Grèce prévoit de déroger à la responsabilité d’un Etat membre qui connaît des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile entraînant un risque de mauvais traitement.

Dans ce cas, les autorités doivent poursuivre la détermination d’un Etat responsable. Si  un autre Etat membre ne peut être désigné comme responsable,  les autorités ayant engagé la procédure « Dublin » deviennent responsables.

Aujourd’hui, seule la Grèce est reconnue comme un Etat défaillant. La Hongrie n’est pas présumée être défaillante par les autorités françaises ou européennes mais les mauvais traitements subis par le demandeur d’asile peuvent conduire le juge administratif à annuler la décision de transfert sur la base de ses déclarations détaillées (CE, 26/12/2013, n°374139 ; CE, 29/08/2013, n°371572).

La CAA de Bordeaux a jugé que le risque de mauvais traitement contraire à l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux existe sur la base des informations relatives à la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la Hongrie et les constatations du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (CAA, 27/09/2016, n° 16BX00997).

D’une manière générale, le juge considère qu’un État européen est présumé respecter ses obligations à l’égard des demandeurs d’asile. Toutefois, le demandeur peut renverser cette présomption par des allégations précises et circonstanciées de mauvais traitement subis (CE, 26/12/2013, n°374139).

Quelle est le niveau de coercition de la préfecture ?

En fonction de la pratique de la préfecture, le recours peut également être une arme de défense contre un renvoi plus ou moins inéluctable. Dans ce cas, il peut être tenté même si la jurisprudence est un peu incertaine et / ou les arguments juridiques individuels un peu fragiles. Par exemple, il peut être tentant de faire un recours contre une réadmission vers la Hongrie pour un demandeur d’asile assigné à résidence par la préfecture de l’Essonne, d’autant plus que l’on sait que le TA de Versailles a déjà annulé plusieurs transferts pour ce motif.

 
 

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